Paradis originel
Burkina Faso
Chloé Aïcha Boro
Al Djanat (paradis originel) est le récit d’une situation de crise dans la cour de ma famille, au Burkina Faso. Le décès de mon oncle, garant de la transmission de l’islam mandingue dogmatique, a entrainé une procédure judiciaire d'héritage devant les tribunaux d’inspiration occidentale rompant ainsi avec une tradition séculaire de transmission par legs oral.
Ma famille n’est pas un cas isolé en proie avec un conflit foncier. Si l’on en croit les médias qui se sont emparés du sujet, il s’agit d’une « bombe sociale » en gestation dans les sociétés Ouest-africaines. A Bobo Dioulasso, le palais de justice a été brulé dans un élan de contestation populaire opposée à la justice dite du « Blanc ».
Peu à peu, les langues se délient et les points de vue s’affrontent jusqu’au procès. Dans cette période charnière, où le modernisme occidental transforme notre identité jusque dans nos liens familiaux, nos structures sociales traditionnelles et nos codes religieux, comment passer de gardiens de nos terres à propriétaires de biens immobiliers ?
Chez les Mandingues, jusque-là, une cour n’était pas un bien immobilier appartenant à des personnes mais un berceau d’appartenance : un espace de célébration et de perpétuation de ce qui fait de nous, des mandingues. On n’était pas propriétaires mais gardiens de nos terres. Mieux, on appartenait à la terre où est enterrée son cordon ombilical. Voilà pourquoi le cordon d’un enfant Mandingue, quel que soit son lieu de naissance, était toujours enterré dans la cour de ses aïeuls. Et cette tradition n’est pas un vain symbole. Chaque fois que je retourne dans la cour Coulibaly, je l’éprouve, je le vis dans ma chair. J’y suis attaché parce que mon cordon y est enterré et on m’a élevée en me le rappelant, constamment, pour tisser ce lien par imprégnation.
Ces deux rapports différents à la terre, propriétaires d’une part, ou gardiens, voir appartenant à la terre, d’autre part, déterminent dans une société bien de choses. C’est un rapport à la notion de possession qui va jusqu’à celle de sa propre vie. C’est aussi ce rapport à la spiritualité, à l’être et aux biens matériels, que le film veut explorer.
Ma famille n’est pas un cas isolé en proie avec un conflit foncier. Si l’on en croit les médias qui se sont emparés du sujet, il s’agit d’une « bombe sociale » en gestation dans les sociétés Ouest-africaines. A Bobo Dioulasso, le palais de justice a été brulé dans un élan de contestation populaire opposée à la justice dite du « Blanc ».
Peu à peu, les langues se délient et les points de vue s’affrontent jusqu’au procès. Dans cette période charnière, où le modernisme occidental transforme notre identité jusque dans nos liens familiaux, nos structures sociales traditionnelles et nos codes religieux, comment passer de gardiens de nos terres à propriétaires de biens immobiliers ?
Chez les Mandingues, jusque-là, une cour n’était pas un bien immobilier appartenant à des personnes mais un berceau d’appartenance : un espace de célébration et de perpétuation de ce qui fait de nous, des mandingues. On n’était pas propriétaires mais gardiens de nos terres. Mieux, on appartenait à la terre où est enterrée son cordon ombilical. Voilà pourquoi le cordon d’un enfant Mandingue, quel que soit son lieu de naissance, était toujours enterré dans la cour de ses aïeuls. Et cette tradition n’est pas un vain symbole. Chaque fois que je retourne dans la cour Coulibaly, je l’éprouve, je le vis dans ma chair. J’y suis attaché parce que mon cordon y est enterré et on m’a élevée en me le rappelant, constamment, pour tisser ce lien par imprégnation.
Ces deux rapports différents à la terre, propriétaires d’une part, ou gardiens, voir appartenant à la terre, d’autre part, déterminent dans une société bien de choses. C’est un rapport à la notion de possession qui va jusqu’à celle de sa propre vie. C’est aussi ce rapport à la spiritualité, à l’être et aux biens matériels, que le film veut explorer.